C’est la fin de l’avant-midi un dimanche de juillet. Le vent est chaud, sec. Sur le terrain, c’est assez achalandé. Ça entre et ça sort du pro shop, ça se donne des becs de bienvenue à côté de la cabane du starter, c’est paisible et animé en même temps.
Mon groupe et moi finissons notre premier 9 et, pimpants, moi non parce que je viens de caler mon troisième double-boguey de suite, nous revenons tous ensemble vers le club-house. Soudainement, la délicieuse odeur chaude et réconfortante de la petite cantine nous rejoint avec vigueur. Nos narines se remplissent d’un délicieux parfum de friture, saucisse et vanille mélangés. C’est prometteur. On se regarde tous les 4 et on se demande : avons-nous le temps pour un hot-dog?
Objectivement, nous AVONS le temps pour un hot-dog, mais l’arrêt, la pause entre les deux 9 me semble désormais mal vue. On fait librement la pause-pipi, le remplissage de la gourde, on se pogne un sandwich au jambon haché su’l fly et hop, entre deux bouchées on est déjà en marche vers le 10e trou. Mais parfois un petit moment de pause est nécessaire, non?
Depuis que je joue au golf, il existe en moi une dualité persistante concernant le temps passé sur le terrain
D’un côté, ma tête me dit que je devrais tout faire pour compléter ma ronde le plus rapidement possible. Marcher vite (jamais courir though), appliquer les fameux principes du ready golf (d’ailleurs je pense qu’on n’a plus besoin de spécifier en début de ronde qu’on joue comme ça, c’est pas mal la norme) et même ramasser ma balle si je suis rendu genre à 9 coups sur un par 4, c’est de l’acharnement.
De l’autre côté, la saison de golf québécoise est si courte, enivrante et intense que j’ai parfois envie d’étirer mon expérience au maximum. J’ai envie de profiter de l’odeur de gazon fraichement coupé une petite heure de plus. J’ai envie de prendre le temps de putter comme il faut et aussi d’enlever la bouette de mon sand wedge en sortant de la trappe (disons-le, les trappes de sables Queb sont souvent pénibles).
Suivant ce besoin d’étirer le temps, je milite pour une petite révolution (rien de moins) qui pourrait satisfaire mon envie et du même coup, éviter confusion et brûlements d’estomac à plusieurs : une pause mandatoire de 10 minutes à la fin du premier neuf trous. Tu finis à 11h? T’attends jusqu’à 11h10 même si t’es déjà prêt, même si t’es super bon, même si t’as pas faim parce comme un grand t’as mangé un burrito déjeuner avant ta ronde. Bravo.
Je comprends que le temps est précieux pour tous, mais je pense sincèrement que cette pause pourrait avoir de multiples effets positifs :
Premièrement, elle favoriserait un réajustement de la distance entre les groupes. Ça permettrait de repartir sur une base solide pour la suite. Une pause qui calme les trop pressés et qui ravigote les trop relaxe. Au pire, le temps de pause offre la chance de demander gentiment au groupe mollo de passer devant eux. Ça donnerait aussi l’occasion de se joindre plus facilement à un groupe de 2 ou de 3. Tu arrives au club, tu es seul, tu vas voir qui attend entre les deux neufs et tu te greffes à eux si c’est possible. Du même coup, ça répartit les joueurs plus équitablement sur le terrain.
Enfin (ma raison préférée), la pause offrirait un temps d’arrêt juste assez long pour savourer et terminer son hot-dog chou-moutarde en toute quiétude, sans se sentir coupable ou subir les regards accusateurs des gens qui suivent. Pour moi, ce serait aussi un court moment de plus passé sur le terrain, une petite célébration supplémentaire de mon amour du jeu.
Je suis conscient qu’il y a beaucoup d’autres révolutions à faire, beaucoup d’autres manières de faire évoluer le monde du golf (on reparlera une autre fois des ceintures blanches), mais je pense qu’il faut savoir se tourner vers son cœur, voici donc mon petit combat, qui embarque?